Ce film documentaire choral retrace l’incroyable saga du hip hop marseillais, phénomène musical, culturel et social qui, en trente ans, a bâti une histoire à succès inédite.
IAM, Soprano, la Fonky Family, JuL, et une dizaine d’autres rappeurs, compositeurs et producteurs ont accepté de raconter la genèse et l’épanouissement de ce mouvement de musique urbaine, qui remplit stades et festivals et colonise cours d’école comme soirées de quinquagénaires. Ils se laissent suivre dans leur quotidien d’artistes, entre studios et grands concerts.
Marseille, capitale rap montre également comme le hip hop est devenu un élément constitutif de l’âme de Marseille, ville populaire où le verbe a toujours été capital, mais également une expression de sa situation sociale et culturelle. Le film alterne interviews et séquences actuelles avec des images d’archives inédites ou très rares, mais aussi le regard de témoins extérieurs inattendus.
Le Rap Marseillais
Le mouvement rap marseillais a eu la chance de trouver sa référence dès le départ : le groupe IAM. Considéré comme un leader d’opinion dès son premier album Concept (sorti en 1990), IAM symbolise le statut séculaire de la ville en tant que port d’accueil pour le monde entier. En 1979, des marines du USS Forrestal ont joué des titres de rap new-yorkais tout juste sortis aux membres du groupe qui allaient devenir les premiers B-Boys* de Marseille.
Portées par l’architecte musical Imhotep et inspirées par la florissante scène hip-hop new-yorkaise, les voix de Shurik’n et d’Akhenaton ont imposé une musique nourrie par les revendications de culture et de droits civiques. Contrairement aux nombreux groupes français qui luttent pour être à la hauteur de l’exemple américain, les groupes marseillais se sont imposés parce qu’ils offraient quelque chose de différent. De la planète Mars… (1991) a marqué les esprits et s’est adapté aux codes du melting-pot unique de Marseille, contribuant largement à la renaissance culturelle de la ville dans les années 90.
*Abréviation de “bad boys”, terme utilisé par les premiers rappeurs français pour désigner les précurseurs du mouvement.
Groupes de rap
Divers groupes de frères ont pris le train en marche, comme Uptown (un de leurs MC’s, N°7 alias Mourad Mahdjoubi, est maintenant avocat), Soul Swing (avec Faf, le frère de Shurik’n, un rappeur de talent qui a ensuite livré le titre Pas le temps sous le nom de Faf Larage – la chanson titre officielle de la série Prison Break qui a atteint le N°1 et remporté un disque de platine en 2006), 3ème Œil, ou des formations plus underground comme B Vice. Da Mayor, Puissance Nord, Carré Rouge et Prodige Namor… Une myriade d’artistes et de groupes, forts du succès de leurs grands frères, se sont produits au Centre Culturel Mirabeau, au Café Julien, à la Friche Belle-de-Mai (lieu de répétition d’IAM à l’époque), au Festival Logique Hip Hop fondé par l’association AMI (qui accueille toujours un Village Hip Hop chaque mois de septembre) et au café musical L’Affranchi (seule association culturelle française 100% dédiée au hip hop depuis 1993).
Ce qui a également frappé, c’est que le rap marseillais dépasse les clichés négatifs pour véhiculer un message positif et parfois amusant, comme en témoigne le titre qui va propulser cette “petite tendance locale” vers les sommets de la gloire.
Je Danse Le Mia
La glorification comique du jeune marseillais (nervi) avec sa chemise ouverte et son collier en or, a connu un énorme succès surprise (650 000 exemplaires). Ses paroles, sur fond de funky, sont le portrait amoureux d’une ville résolument différente dont la notoriété grandit, explorée plus en profondeur dans l’album Ombre est Lumière (paru en 1993). Dans Le Feu, on entend les cris de guerre du stade Vélodrome lorsque le club de football de l’Olympique de Marseille a remporté la Coupe de l’UEFA. Invitée dans divers talk-shows télévisés, IAM a constamment bousculé les clichés du “groupe de la cambrousse” et est devenue un véritable porte-parole de l’ancienne ville aux multiples facettes de Marseille, soucieuse de préserver ses spécificités culturelles.
En 1997, L’École du micro d’argent, toujours réaliste mais aussi plus mystique, a ajouté encore plus de profondeur au répertoire d’IAM – le premier groupe français à mettre en vedette des artistes américains, en hommage au goût traditionnel de la Méditerranée pour l’hospitalité. Demain c’est loin, un titre de cuivres sans mention des quartiers pauvres de la ville, est désormais considéré comme LE classique du rap français.
La même année, un autre acteur majeur entre dans la danse après des débuts impressionnants sur le single Bad Boys de Marseille d’Akhenaton (extrait de l’album solo Métèque et Mat en 1995) : La Fonky Family a fait vibrer les quartiers Panier et Belsunce de Marseille avec son premier long format Si Dieu Veut, avec sa série d’expressions locales colorées qui ont immédiatement été gravées dans le vocabulaire du rap français.
D’IAM à Jul, Marseille capitale du rap
Ce documentaire est un devoir de mémoire pour les jeunes amateurs de rap français, et un regard bienveillant sur la nouvelle génération qui embrasse le rap à sa façon. Ce documentaire est un objet de tolérance, d’amour, de passion pour une culture qui n’a jamais été aussi vivace. À voir absolument.